Le mort du chemin des Arsène remporte le Prix de création littéraire de la ville de Québec et du SILQ

30 mars 2010

Le mort du chemin des Arsène m’a valu aujourd’hui le Prix de création littéraire de la ville de Québec et du salon du livre international de Québec, catégorie adulte.

Sylvain Hotte a remporté la palme dans la catégorie jeunesse avec le premier tome de la série Aréna, intitulé Panache, paru aux Intouchables.

Contrairement aux artistes de scène, l’écrivain communique avec son public par le biais intime et paradoxalement anonyme de la lecture. Dans ce contexte, les prix agissent comme des vents favorables à la poursuite des chimères.

Un livre n’est pas le fait de son seul auteur. Je partage ce prix avec l’équipe des éditions de la courte échelle pour l’aide apportée pendant le processus de création.


Fernando Pessoa: le génial caméléon

24 mars 2010

Franz Kafka, cet écrivain discret qui avait demandé qu’on brûle ses manuscrits après sa mort, fait partie de l’âme de Prague, du moins celle qui est visible. Son image chaplinesque orne des t-shirts, des bocks de bière, des cartes postales. Un musée lui est consacré sur les rives de la Vltava.

Fernando Pessoa est son pendant lisboète. Ils sont nés à cinq années d’intervalle, Kafka en 1883, Pessoa en 1888. Ils habitaient des villes à l’âme fluide, mystérieuse, chacune porteuse d’un passé glorieux et tragique. Pour pousser l’analogie, chacun avait vécu une forme d’ambiguité linguistique. Kakfa parlait tchèque, mais écrivait en allemand. Pessoa avait été éduqué en anglais en Afrique du Sud, mais écrivait en portugais. Chacun avait vécu presque exclusivement dans le quartier historique de leurs villes natales, Prague et Lisbonne. Chacun avait gagné sa vie en exécutant des besognes administratives où ils exerçaient leurs habilités de traducteurs. Chacun est mort jeune, Kafka à 40 ans, Pessoa à 47 ans. Chacun a laissé une grande partie de son oeuvre sous forme de manuscrits fragmentaires et a connu la gloire bien après sa mort.

Je pourrais pousser l’analogie plus loin, ne serait-ce que par leurs physiques plutôt ingrats, par leurs destins d’écorchés.

Par ailleurs, Fernando Pessoa constitue certainement, dans toute la littérature, un cas.

Pour commencer, son nom de famille signifie «personne». Petit être falot, il revient d’Afrique du Sud à 17 ans et retrouve son Lisbonne natal. Il n’en sortira, littéralement, jamais, exerçant une débordante activité d’écriture, à la fois comme prosateur, journaliste, poète, critique de livres et de musique, rédacteur de rubriques astrologiques, directeur de revue, etc.

«Chacun de nous est plusieurs à soi tout seul, est nombreux, est une prolifération de soi-mêmes.»

Non content de cet éclectisme, il signe son œuvre de multiples pseudonymes, dont les principaux seront Alberto Caeiro, Àlvaro de Campos et Ricardo Reis. Chacune de ses incarnations avait une biographie, des caractéristiques personnelles, mieux encore un style littéraire. Il écrira aussi, exception, sous son nom.

De son vivant, il publiera un seul livre en portugais, Mensagem (Messager). Selon ses exégètes, son propre nom de Fernando Pessoa («Fernand Personne») ne doit pas être considéré plus représentatif de sa vraie personnalité que ses pseudonymes. À sa mort, en 1935, il laissera une malle fermée à clefs, contenant plus de 25,000 pages de texte. La compilation et l’édition de ces œuvres n’est pas terminée à nos jours.

La lecture de Pessoa s’apparente à la dégustation d’un alcool fort: il ne faut pas pousser la dose. Le livre de l’intranquillité, considéré comme son chef d’œuvre, se présente comme une suite décousue de textes courts qui ne sont pas sans rappeler, avant la lettre, les posts d’un blog laissé à l’humanité. (Pour ceux qui ouvrent leur dictionnaire, intranquillité est un néologisme, autant en français que dans la version initiale portugaise, desassosego). S’y étalent les méandres de la pensée multiforme de Pessoa: le dedans, le dehors, la réalité, le rêve, la joie, l’angoisse s’entremêlent en des jeux de miroir géniaux, articulés, le plus souvent, autour de scènes banales de la vie quotidienne.

Fernando Pessoa est mort d’une cirrhose du foie, à 47 ans, à l’hôpital de Sao Luis à Lisbonne. Contrairement à Brendan Behan, autre génial cirrhotique, il n’était pas, selon l’expression de mon père, un gars de party. En terme de joyeux lurons, j’oserais affirmer que Kafka est à Pessoa ce que Louis-José Houde est à Claude Ryan (paix à ses cendres).

Quelques exemples:

«Au bord de quelle eau suis-je donc, si je me vois au fond?»

«Il est des bateaux qui aborderont à bien des ports, mais aucun n’abordera à celui où la vie cesse de faire souffrir, et il n’est pas de quai où l’on puisse oublier.»

Mais parmi ces considérations d’un noir consommé se glissent de multiples perles:

«La civilisation consiste  à donner à quelque chose un nom qui ne lui convient pas, et à rêver ensuite sur le résultat.»

Ce soir, il tombe une petite bruine sur Lisbonne. Du Tage et, plus loin, de l’Atlantique, la brume s’insinue dans les ruelles de la Baixa.

Les Portugais, nous l’oublions souvent, sont nos voisins. En sortant du Golfe entre Terre-Neuve et le Cap-Breton, on continue tout droit et on est rendu.


Lisbonne est une belle dame plus très jeune, aux yeux mélancoliques et fardés

22 mars 2010

La phrase m’est venue alors que je quittais ce matin la place Marquès de Pombal pour traverser le parc Eduardo VII. Au-dessus des saules et des gigantesques platanes, Lisbonne me présentait ses façades pastel aux couleurs passées, ses collines semées de maisons crème. Campée à l’entrée du Tage, traversée par les vents atlantiques, Lisbonne exhale un parfum de grandeur déchue. Cette petite ville bancale, maladroitement assise, comme Rome, sur sept collines, a déjà commandé un empire. En arpentant ses rues bordées de hautes maisons ornées de balcons ornés de fer forgé, je retrouvais, en plus riche, en plus élégant, en moins tropical, des impressions de La Havane.

J’aime les villes. J’aime les femmes. Je ne serai pas le premier à personnaliser les premières sous les traits des secondes. New-York, malgré son âge, gardera toujours une ardeur et une grâce rétives et adolescentes. Prague est une passante blonde, dans la trentaine, au regard bouleversant. Venise est une grand-mère aux jambes enflées, luttant contre la démence. Lisbonne est cette belle femme d’âge indéfinissable, dont les yeux bruns, fardés, expriment la saudade, ce désir et cette mélancolie mêlés, typiquement lisboètes, qu’aucun mot français ne peut traduire.

Cette belle dame, par ailleurs, a de superbes mollets. Cette ville pentue, sans nul doute, est excellente pour le cœur.


Le ruban blanc: un film parfait et troublant

12 mars 2010

J’ai vu la semaine dernière Le ruban blanc de Michael Haneke.

C’est mon coup de cœur de l’année. Ce film tourné en noir et blanc raconte une série de méfaits mystérieux dans un petit village du nord de l’Allemagne, en 1913. La narration est aussi limpide que le récit est troublant. Les images, les dialogues, la puissance des personnages, la mise en scène révèlent une maîtrise impressionnante. Le film a d’ailleurs reçu la Palme d’Or du Festival de Cannes l’an dernier.

Le film se termine sans que les «coupables» ne soient clairement identifiés. Les villageois, impliqués dans une sorte de complicité passive, se trouvent presque soulagés par le déclenchement de la guerre de 1914-18.

Par sa beauté formelle, par sa fin ouverte, le livre m’a rappelé un de mes romans préférés, campé dans un tout autre univers : Chronique d’une mort annoncée, de Garcia Marquez.


Le mort du chemin des Arsène finaliste au Prix du création littéraire de la ville de Québec

4 mars 2010

Le mort du chemin des Arsène est finaliste pour l’obtention du Prix de création littéraire de la ville de Québec (catégorie adulte), qui sera attribué le 30 mars prochain.

Les deux autres œuvres en lice sont Ce qui s’endigue, d’Annie Cloutier, paru chez Triptyque, et Le chat proverbial de Hans-Jürgen Greif, publié à L’instant même.

Dans la catégorie jeunesse, les trois œuvres finalistes sont:

Le naufrage d’un héros, de Diane Bergeron, Éditions Pierre Tisseyre

Aréna – tome 1 – Panache, de Sylvain Hotte, Les Intouchables

La nuit Woolf, de Lyne Richard, Québec Amérique.

Les prix de création littéraire de la ville de Québec sont décernés conjointement par la ville de Québec et le Salon international du livre de Québec.