Convocation des personnages

27 janvier 2021

Mes livres ne s’écrivent pas tous de la même façon. Certains coulent de source, comme s’ils existaient déjà, comme si je n’avais qu’à les transcrire.

C’est la minorité.

La plupart résultent d’une phase de maturation. Après un premier départ avorté, je retourne suivi à ma planche à dessin, dans le cas actuel un carnet dans lequel je note chaque jour mes interrogations, mes conclusions, les pistes à explorer. L’intrigue n’est pas au point, quelque chose cloche, je ne sais pas si le projet est porteur ou s’il s’agit d’un des nombreux textes incomplets qui meublent un dossier appelé «ÉCRITURE/GRENIER».

Le roman n’existe pas tant que les personnages principaux ne sont pas apparus, ont pris chair avec leurs motivations, leurs forces, leurs faiblesses, de telle façon que je n’ai plus ensuite qu’à observer leurs agissements. Quand les personnages sont là, le livre est là. C’est la partie la plus intéressante du roman. C’est un étrange processus de fermentation, qui requiert de la patience parce que pendant toutes ces semaines d’interrogations, de prises de notes et de gribouillage de schémas, le texte lui-même n’avance pas.

D’où viennent ces personnages? Je ne sais pas. Certains sont des archétypes récurrents, d’autres des alter ego plus ou moins déguisés. Ce n’est que lorsqu’ils ont tous été convoqués, consignés avec leurs caractéristiques dans le plan du roman en cours, que l’écriture peut vraiment commencer.

Dans le cas du Surprenant VII, les personnages sont maintenant tous au poste. Je peux entreprendre la version 2.0 et espérer la terminer avant l’été.


L’écrivain en pyjama de Canadien

12 janvier 2021

Je n’invente rien avec ce titre emprunté à Dany Laferrière. J’y ajoute le sigle du CH.

Il y a plusieurs années, j’ai acheté à Montréal un pyjama de coton ouaté aux couleurs de l’équipe de hockey de mon enfance, le Canadien de Montréal. Il est si ancien que le haut arbore le nom d’Alexis Kovalev.

J’ai toujours ce pyjama, au grand déplaisir de ma blonde. Le truc s’est promené à travers le monde quand je voyageais au froid. Je ne l’ai jamais tant porté que depuis le 18 mars 2020 quand j’ai dû rentrer en hâte du Cambodge. Pandémie oblige, c’est désormais mon uniforme d’écrivain matinal. Je ne le quitte souvent que pour aller marcher l’après-midi.

Depuis son retour à Québec, l’écrivain en pyjama n’a pas chômé. J’ai vu aux dernières retouches des Demoiselles de Havre-Aubert, sixième polar de la série Surprenant, paru en juin. J’ai réécrit, terminé un roman commencé il y a des années, qui paraîtra au printemps 2022 chez Québec Amérique. Cet été, j’ai écrit un récit autobiographique, qui est pour l’instant à cuver dans le cellier. Il faut parfois prendre du recul par rapport à un texte pour décider de sa valeur et de son devenir. J’ai écrit une nouvelle historique qui doit paraître dans un collectif en mars chez Septentrion. J’ai enfin commencé la conception et la rédaction d’un septième Surprenant, dont l’action se déroulera à Montréal.

En novembre dernier, j’ai aussi révisé le Surprenant IV, Le mauvais côté des choses, réédité en poche chez Québec Amérique. Le livre paraîtra la semaine prochain, plus précisément le 19 janvier, et ce malgré le couvre-feu et la fermeture des librairies.

Le confinement est l’état naturel de l’écrivain, dont le travail est solitaire. Je subis la pandémie comme tout le monde, avec son cortège de frustration, de peur et d’impuissance. Ce cataclysme mondial, dont nous avons toujours de la difficulté à voir la fin, aura peut-être le pouvoir de nous faire réviser nos valeurs et, espérons-le, de changer notre façon de vivre.

Les livres n’auront jamais été aussi utiles et précieux. L’écrivain en pyjama de Canadien, à défaut d’être toujours apte à se servir de son stéthoscope, reste donc à son poste, devant son écran. Suis-je juché en haut du grand mat, à la vigie, suis-je sur le pont ou dans la cale? Je ne sais pas. Chose certaine, nous sommes dans le même bateau.