«Le vendredi 19, le sergent-détective André Surprenant se leva tôt, fit deux fois le tour du Gros-Cap à bicyclette, déjeuna avec appétit et se présenta au poste de la Sûreté avant huit heures. Grand, mince, la démarche souple et le cheveu de jais, il se faisait régulièrement demander s’il avait du sang indien.
Majella Bourgeois, une vieille fille déparée par un nez d’homme, lui tendit son courrier…»
C’est par ces mots, tirés de On finit toujours par payer, paru en 2003, que naquit le sergent André Surprenant. J’entreprenais un roman policier et créait mon personnage d’enquêteur. À cette époque, je n’avais pas réellement l’intention d’en faire une série, mais j’étais assez avisé pour doter mon personnage d’attributs qui me permettraient de le réutiliser au besoin.
Sur le plan psychologique, je le dotai instinctivement de ses paramètres fondamentaux: Surprenant détonnait dans le cadre de la Sûreté du Québec. Il était indiscipliné, était passionné de musique, se fiait autant à l’intuition qu’au raisonnement et, sous un couvert placide, était émotivement fragile. Ces attributs ne sont pas rares, par ailleurs, parmi la faune actuelle des héros de polars. Son couple était en déséquilibre, il était toujours aux prises avec sa faille, la mort ou la disparition de son père quand il avait neuf ans. Il était aussi en quête de rédemption ou de transformation. La mort de Rosalie Richard devait lui fournir sa première «véritable affaire».
Pour lui donner du coffre, je choisis par ailleurs de le faire naître et grandir à Iberville, ma ville natale, ce qui me permettait d’emprunter du matériel à ma propre enfance. Le nom de Surprenant est par ailleurs assez courant en Montérégie.
Ce processus de construction du personnage relève à la fois du conscient et de l’inconscient. Par contre, une fois que le pain a pris, il est impossible de retourner à la pâte.
Comme écrivain, il m’est arrivé ceci: ce personnage d’André Surprenant, d’abord conçu pour un livre solo, s’est incarné dans une suite, Le mort du chemin des Arsène, puis dans une nouvelle parue dans Alibis, Dernière neige . On m’en demande des nouvelles, comme d’un ami, on attend la suite, etc. Parfois, je me demande comment Surprenant réagirait devant une circonstance de ma vie réelle. En un mot, je vis, pour la suite des temps, avec un personnage récurrent, ce qui est, pour un auteur de polars, à la fois une bénédiction et une obligation. Geneviève Savoie, la coéquipière de Surprenant, est aussi du voyage.
En plus du personnage du roman, je dois aussi cohabiter avec son incarnation au cinéma. C’est bien agréable, mais ça commence à faire beaucoup de monde.
Surprenant – et Geneviève – reprendront vie en avril dans un nouveau roman, L’homme du jeudi.