Les grilles espagnoles

30 avril 2011

Je ne suis ni historien ni anthropologue.

En arpentant les étroites rues de Tolède, de Séville, de Ronda, je me suis plusieurs fois demandé pourquoi les fenêtres des maisons espagnoles, ces belles demeures blanches aux balcons ornés de fleurs, étaient si souvent garnies de grilles.

Noires, en fer forgé, elles constituent certainement un ornement, en plus de décourager les intrus. Mais pourquoi en installer à l’étage, où un voleur ne pourrait accéder qu’à l’aide d’une échelle? Faut-il en chercher l’origine dans les guerres contre les Maures? Faut-il remonter à l’Inquisition? Plus récemment, au triste régime de Franco?

L’Espagne voit, ou a vu, le monde extérieur à travers une grille.

Quand elles ne sont pas pourvues de grilles, les fenêtres des étages sont le plus souvent ceintes, à mi-hauteur, de ces garde-fous noirs, si jolis, qu’on retrouve aussi au Portugal. Patios et jardins intérieurs, univers clos, lourdes portes de bois bardées de ferrures: tout se passe comme s’il fallait séparer de façon claire le dedans du dehors, où l’ennemi peut toujours rôder.

Les grilles pourraient aussi exercer la fonction inverse: empêcher de sortir. Dans l’ancienne société puritaine, ultra-catholique, les jeunes filles y soupiraient peut-être dans l’attente de soupirants.


Semana santa

23 avril 2011

La Semana Santa, en Espagne, c’est du sérieux.

À Malaga, j’ai vu des enfants, des adultes se promener, dimanche dernier, avec des accessoires qui m’ont ramené directement à mon enfance: des rameaux.

Le dimanche précédent sa mise à mort, Jésus-Christ est entré à Jérusalem et a été acclamé par une foule agitant des rameaux. Le jour marque le début de la semaine sainte, qui est très célébrée ici, notamment par les procesions.

À Malaga, à Séville, à Madrid, des associations de pénitents organisent des défilés dans les rues. Au cœur de l’événement, les tronos, sortes de chars allégoriques montés sur des poutres et portés par des fidèles. Les tronos sont très ornés, représentations du Christ, cierges, dorures, et oscillent au rythme de la fanfare qui suit derrière, entre les pénitents vêtus de toges et coiffés de chapeaux pointus et une foule plus ou moins nombreuse.

Les diverses confréries de pénitents ou de fidèles rivalisent entre elles de pompe, de ferveur ou de pathos. La semana santa semble par ailleurs être devenue dans certaines villes, notamment Séville, un véritable événement touristique, attirant des visiteurs du pays ou de l’étranger.

Par ailleurs, une procession athée a carrément été interdite par un tribunal madrilène.

Je connais peu l’Espagne. Ce qui m’étonne, c’est de retrouver ici une ferveur et des traditions religieuses qui ont pratiquement disparu, en moins d’une décennie, au Québec.


Arnaldur, Erlendur et la question de la Caramilk

19 avril 2011

Si j’ai bien compris, l’Islande est aux romans d’Indridason ce que le caramel, ou ce qui y ressemble, est à la Caramilk: on ne sait pas comment ça se fait, mais c’est dedans.

C’est un tout inclus.

Les paysages ne sont pas décrits. Les personnages sont – bien que je n’y jamais mis le pied – islandais.

Ceci dit, La cité des jarres est une excellent roman.


El clasico

16 avril 2011

Écouter un match Barcelone-Madrid dans un bar en Espagne constitue une expérience.

Pour commencer, vous vous trouvez, Montérégien de souche, entouré d’Ibères de tous acabits, dont vous ne savez s’ils sont partisans de la capitale nationale ou de l’autre capitale nationale.

Heureusement, vous êtes habitué à avoir plusieurs capitales.

Le match commence et vous vous trouvez, pour toutes sortes de raisons, à soutenir les Catalans. Autour de vous, dans cette petite ville d’Andalousie, vous soupçonnez que vos voisins, ces messieurs sérieux qui boivent des verres de fine avec une patience telle que vous vous demandez s’ils ne contiennent pas de l’arsenic, penchent plutôt vers le clan madrilène. Par contre, les jeunes qui occupent les banquettes, et qui suivent le match du coin de l’œil en pitonnant sur leur iPhones, poussent des cris de joie quand Messi enfonce un penalty.

Les vieux messieurs, imperturbables, conviennent que le penalty était mérité.

Claro, statuent-ils.

Finalement, la mi-temps passe, le jeu se déroule et vous avez le sentiment que le Réal possède aussi une équipe formidable, à peine moins brillante que les Blaugranas, et ce d’autant plus qu’ils jouent à 10 contre 11. Et vous vous trouvez solidaires des vieux buveurs de fine: vous ne célébrez pas tant la victoire d’une équipe que celle du beau jeu.

Le football est un sport si sybillin, mais qui déchaîne tant de passions, qu’il n’existe guère d’autre alternative.

Penalty contre Barcelone. Ronaldo, le mal-aimé, compte. Vous ne célébrez pas, évidemment. Vous prenez une gorgée de bière et vous attendez la prochaine action, qui peut survenir dans trente secondes ou une demi-heure.

La partie se termine 1-1. Tout le monde est content: les Barcelonais mènent toujours au classement de la Liga, les Madrilènes ont remonté au score. Les vieux messieurs demeurent imperturbables. Sont-ils heureux? Fouillez-vous.

Le bar se vide.

Ça recommence dans quelques jours.


Où est l’Islande d’Indridason, bout de cigare?

15 avril 2011

Bon, Indridason par ci, Indridason par là, je lis La cité des jarres. 

Me voici en présence d’Erlendur Sveinsson, inspecteur paumé à Reykjavik, lequel enquête sur le meurtre d’un dénommé Holberg, dans l’appartement duquel on a trouvé ces mots: «Je suis lui».

Malgré les évidentes qualités de construction, je cherche la prime qualité, la quintessence de la moellle.

Où est l’Islande, ce pays de geysers, de volcans et de légendes, Ventre-Saint-Gris?

Suis-je devenu un inconditionnel de Mankell? J’éprouve le sentiment d’être en contact avec un sous-produit, un ersatz. Cet Erlendur ressemble fort à Wallander, moins je ne sais quoi, peut-être la nouveauté.

Islande à part, je suis sur la Costa del Sol en compagnie de Surprenant qui lui est demeuré à Québec. Il y a des palmiers atteints par l’hiver, des plages désertes et de bons fruits de mer, sans compter les ritournelles convenues, sur fond musical des années quatre-vingt-dix, qui traitent de l’amour éternel.

Sans compter que demain, il y a un clasico doble, Madrid-Barcelone et Montréal-Boston.