Le Surprenant 7 dans la sélection des polars d’avril du Devoir

29 avril 2023

Ce matin, Sonia Sarfati parle de Nos meilleurs amis sont les morts dans le Devoir.

Carrés rouge sang

Après cette parenthèse enchantée qu’est La dame de la rue des Messieurs, Jean Lemieux retourne au sergent détective André Surprenant. Une septième enquête, intitulée Nos meilleurs amis sont les morts. Nous sommes à Montréal, le 1er mai 2012. La métropole est secouée par les manifestations étudiantes. Le carré rouge devient signe de rébellion… et de beaucoup plus. Or, l’un de ces morceaux de tissu est retrouvé à côté du cadavre du notaire Jean-Claude Ladouceur. L’homme, aux relations douteuses, a été égorgé. L’enquête démarre par cette première pièce d’un puzzle fascinant et complexe dont les ramifications remontent loin dans le temps. Comme toujours, le romancier ne facilite pas le travail à ses personnages et, ô joie, ne sous-estime pas ses lecteurs — qui, cette fois-ci, devraient en plus tomber sous l’emprise de la nouvelle partenaire du policier : Alice Verreau. On espère la revoir (vite) aux côtés de Surprenant, lequel apparaîtra bientôt au petit écran sous les traits de Patrick Hivon. Yé !

Sonia Sarfati


Robinson au pays des personnages

26 avril 2023

Alors que je suis aux Îles-de-la-Madeleine pendant quelques jours pour rencontrer des étudiants du collégial et lancer Nos meilleurs amis sont les morts à la librairie Flottille, je retombe sous le charme de l’archipel qui m’a accueilli, jeune médecin, en juillet 1980.

Pour retrouver l’époque, cet extrait de mon récit autobiographique, Une sentinelle sur le rempart, paru en 2018.

Chapitre 9 – Robinson au pays des personnages

Le lendemain, à Iberville, je charge ma Renault 5 jaune tracteur de l’ensemble de mes possessions terrestres : des vêtements, deux caisses de longs-jeux, une caisse de romans, ma guitare Norman en érable, ce qu’il reste de mon équipement de hockey, une boîte contenant des souvenirs, des photographies, mes écritures : deux mauvais romans dont les pages sentent déjà le renfermé, des ébauches de récits parsemés de ratures, mon journal d’adolescent, quelques chansons recopiées dans des cahiers Canada. Paul et Jeanne sont au bas de l’escalier qui donne sur la 5e Avenue. Ils sont émus, mais stoïques : le départ des enfants, c’est dans l’ordre des choses. Deux d’entre eux, le plus vieux et la plus jeune, resteront à Iberville et à Montréal et adouciront leur vieillesse.

Début juillet 1980. Deux collègues internes et moi louons un camion et vidons nos appartements montréalais. Nous ne transportons pas grand-chose, quelques tables, lits, chaises, bureaux, bahuts, des caisses de livres qui, au port, ne remplissent même pas un conteneur. Sur le quai, le voisinage du fleuve attiédit la canicule. Ce n’est pas le vent du large, mais les Îles sont là, à l’est, au bout de cette masse d’eau qui fuit vers Trois-Rivières et Québec.

Je suis ému moi aussi, mais peu longtemps. Devant moi, il y a mille deux cent cinquante kilomètres de route et surtout l’aventure.

Je débarque à Cap-aux-Meules le 15 juillet. Pas un souffle de vent. L’archipel repose sous une épaisse chape de brume. En plein jour, je dois allumer mes phares pour me rendre à la maison de Pointe-Basse que je partagerai, ces prochaines semaines, avec mes collègues arrivés de Montréal.

Jour J, 23 juillet, je me présente, frétillant d’excitation et d’angoisse, à la salle d’urgence de l’hôpital de Cap-aux-Meules. À vingt-six ans, je ne suis plus interne ou externe, je suis patron, responsable pour vingt-quatre heures d’une urgence en milieu isolé. Autour de moi, l’équipe médicale se résume à une douzaine d’omnipraticiens, dont quatre sont expérimentés, et un chirurgien « volant ». Ce dernier adjectif est particulièrement bien adapté à la situation. Chaque dimanche, les chirurgiens montréalais qui assurent la couverture des urgences aux Îles se croisent à l’aéroport, l’un arrivant, l’autre partant, si bien sûr la météo le permet. En cet été 1980, les Îles saluent l’arrivée d’un fort contingent de recrues, huit médecins flambant neufs, venus au secours d’un quatuor au bord de l’épuisement.

Mon premier patient est un vieillard de Dune-du-Sud, habillé de pied en cap, comme si l’automne allait nous tomber dessus d’une minute à l’autre. Bien que j’aie eu l’occasion depuis une semaine de me faire à l’accent madelinot, je ne comprends à peu près rien de ce qu’il raconte. Les voyelles, les consonnes palpitent dans une bouillie gutturale, dépourvue de R, sur laquelle surnagent des mots anglais inconnus en Montérégie. L’homme, dont les prothèses dentaires me paraissent bien arrimées, n’en continue pas moins de discourir, me pointe son abdomen d’une main maigre mais large comme une raquette de badminton. Je saisis le mot djiabe, de même que godême, sorte de sacre passe-partout dont j’ai déjà observé, dans le parler des insulaires, la fonction lubrifiante. Au bout de deux minutes, je lève les mains et décrète une trêve. Je réquisitionne une infirmière, l’amène dans la salle d’examen et demande : « Qu’est-ce qu’il dit? » Le vieillard reprend la description de son mal, en s’adressant cette fois à sa compatriote, une petite blonde sérieuse en diable qui l’écoute attentivement avant de me livrer sa traduction ou plutôt son verdict : « Je comprends rien en toute, je viens pas du même canton. »

Après quelques secondes de flottement, un sourire me rassure : elle m’a bien attrapé. Plus que de la richesse de leurs accents locaux, je suis en présence d’un trait essentiel des Madelinots, l’humour. Est-ce un reflet de l’ancestrale nécessité de se divertir sur une terre aride, coupée du monde? Un relent de la domination britannique, d’abord marquée par la déportation de 1755, puis par la mainmise des seigneurs et des commerçants anglophones sur la vie économique de l’archipel aux dix-huitième et dix-neuvième siècles? Un effet de l’enfermement bicentenaire dans une culture insulaire, unique, à cheval entre l’Acadie, le Québec et les Maritimes? Dans ce microcosme humain où les dires et les agirs circulent et se transforment sous la forme de rumeurs, d’histoires, de légendes, chaque personne, forcément, devient un personnage.



Annonce de la distribution de la télésérie «Détective Surprenant – La fille aux yeux de pierre»

19 avril 2023

Version 10 et Québécor contenu ont annoncé la distribution de la télésérie qui sera diffusé sur Club Illico l’automne prochain.

Le tournage commence lundi prochain le 24 avril aux Îles-de-la-Madeleine.

Patrick Hivon incarnera André Surprenant.

Catherine Brunet sera Geneviève Savoie.

Toute la distribution est prometteuse.

La première saison de six épisodes sera adaptée de On finit toujours par payer, premier tome de la série amorcée en 2003.


Une excellente critique de Michel Bélair

14 avril 2023

Vous trouverez ici un bijou d’article de Michel Bélair, chroniqueur polar au Devoir, dans le magazine internet en-retrait.com.

À quelques très rares exceptions près, la notion de frontière n’a rien de flou : c’est très « définitif » une frontière, tous les migrants du monde le savent. C’est du moins toujours une limite parfois agrémentée d’une barrière, de plus en plus souvent même, d’un mur. Chaque côté d’une frontière est un endroit autre, différent du fait même de son existence. Mais quand il est question des frontières personnelles ou éthiques que l’on peut se permettre ou non de franchir, les choses sont beaucoup plus compliquées… C’est un peu ce que raconte le plus récent roman de Jean Lemieux, Nos meilleurs amis sont les morts.

Michel Bélair

André Surprenant n’a rien d’un ripou, disons-le tout de suite. Enquêteur à l’escouade des Crimes majeurs du Service de police de la ville de Montréal (SPVM), le héros de Jean Lemieux mène ici sa septième enquête. Ceux qui le connaissent savent qu’il a amorcé sa carrière à la Sûreté du Québec aux Iles-de-la-Madeleine (On finit toujours par payer, Le mort du chemin des Arsène), qu’il a été muté à Québec (L’homme du jeudi) avant de passer au SPVM et de s’installer à Montréal. Jusqu’ici, on l’a déjà vu s’attaquer sans relâche au crime organisé (Le mauvais côté des choses, Les demoiselles de Havre-Aubert) tout comme aux «intouchables» de quelque milieu qu’ils soient (Les clés du silence). Surprenant est un incorruptible sous ses allures d’électron libre.

Mais c’est aussi un homme «ordinaire» qui a ses petits secrets, un homme usé qui, comme un peu tout le monde au détour de la cinquantaine, vit des problèmes de couple et de famille reconstituée. Même qu’il a de plus en plus tendance à amortir son stress avec du Macallan sans glaçon… Au fil des enquêtes et des années, Surprenant et les gens qui l’entourent sont ainsi peu à peu devenus le principal intérêt des romans de Jean Lemieux. Non pas que l’auteur ne sache pas tisser dans chacun de ses livres des intrigues complexes bien campées dans la réalité d’ici : bien au contraire, c’est plutôt parce que ce sont de vrais personnages crédibles vivant des situations de vie qui ressemblent aux nôtres. C’est d’ailleurs ce qui explique que lorsqu’un collègue, magouilleur de premier plan, est nommé directeur-adjoint au cours d’une affaire compliquée, Surprenant avale difficilement la couleuvre et se met à paranoïer en surveillant ses arrières.

Carrés rouges

Il faut dire aussi que l’enquête qu’on vient tout juste de lui confier est plantée au beau milieu d’une époque pour le moins effervescente : celle de la crise des Carrés rouges. Nous sommes donc en 2012 et, comme par hasard, un membre de sa famille élargie, le jeune William, participe activement aux marches et aux manifs qui mobilisent le centre-ville de Montréal comme le Québec tout entier. Les choses se corsent donc un peu plus lorsque Surprenant et son équipe découvrent un carré rouge aux côtés d’un notaire vidé de son sang dans son sous-sol. C’est d’ailleurs tout ce qu’ils trouvent puisque l’assassin n’a laissé aucune trace d’effraction, ni aucune empreinte ou trace d’ADN. Rien.

Les policiers, prévenus par un informateur, découvrent rapidement que le notaire Ladouceur était en lien avec de notoires « blanchisseurs » d’argent sale et se mettent à suivre la piste de ses dernières transactions. Ils constatent aussi, à la grande surprise d’ailleurs de la veuve pas particulièrement éplorée, que les comptes bancaires du notaire ont été siphonnés dans des paradis fiscaux. Tout cela prend un sens encore plus troublant lorsque, à peine quelques jours plus tard, survient un deuxième meurtre: celui d’un promoteur immobilier « douteux » avec lequel le notaire Ladouceur faisait affaire. Le modus operandi des deux affaires est identique … y compris le siphonnage des comptes bancaires qui dépasse maintenant le million.

Il n’y a en fait qu’une seule différence entre les deux scènes de crime : la dimension du carré rouge placé près de la victime saignée comme une bête. Comme si on cherchait à narguer les enquêteurs …

Des « vieilles affaires »

La rumeur publique s’empare bien sûr de l’affaire et les journaux dénoncent l’inefficacité des policiers ce qui embête profondément la hiérarchie du SPVM. Encore plus quand un dossier impliquant un proche de Surprenant fait surface. Le détective tente de rester impassible, de plus en plus persuadé qu’il s’approche de quelque chose d’important qui se cache derrière la seule piste financière.

L’épisode a toutefois remué de « vieilles affaires » remontant à son enquête sur la corruption entourant la construction du CHUM (Les clés du silence) : il a lui aussi franchi alors une frontière qui pourrait compromettre sa carrière tout comme celle de sa conjointe…  Surprenant continue toutefois de faire confiance à son instinct et se met à creuser un filon qui date de l’époque où Ladouceur et sa future femme se sont rencontrés en Mauricie, dans une pourvoirie appartenant à un banquier qui employait le notaire. Lorsque la veuve de Ladouceur est à son tour retrouvée morte, il sait que la clé de toute l’affaire se trouve là, dans le passé qui réunissait déjà deux des victimes… et probablement le tueur. Et, bien sûr, on vous laisse découvrir vous même comment tout cela s’imbrique.

Toute l’histoire est éminemment complexe et l’on n’a ici effleuré que la surface de cette intrigue protéiforme qui plonge des racines profondes dans les méandres de la conscience avec laquelle on aborde la vie de tous les jours. Les romans de Jean Lemieux ont cette grande qualité de référer à la texture même de l’existence, ce qui n’est pas courant on l’admettra. Son écriture introspective risque de vous faire plonger, soyez prévenu, dans les réflexions que vous entretenez tous les jours et qui vous permettent de continuer à affronter le quotidien. Quitte à vous confronter à certaines frontières plus ou moins floues qui contribuent à nous définir dans ce que nous avons de plus intime.

C’est déjà rare de se retrouver à un tel endroit quand on lit un roman et, pour le commun des mortels, on ne s’y attend surtout pas en lisant un polar. Ça vous apprendra !

Nos meilleurs amis sont les morts

Jean Lemieux

Québec Amérique, Montréal 2023, 336 pages


Lancement aujourd’hui à Québec

11 avril 2023

C’est aujourd’hui que sera lancé à Québec Nos meilleurs amis sont les morts, le septième Surprenant.

Je vous attends au Pub Galway, avenue Cartier, à Québec.

Je serai aussi présent cette semaine au Salon international du livre de Québec.


«Nos meilleurs amis sont les morts»: en librairie.

8 avril 2023

Le septième tome de la série Surprenant est en librairie depuis le 4 avril.

Ici, une excellente critique de Michel Roberge: