La Barcelone de Ruiz Zafon

30 juin 2010

Le jeu de l’ange, paru l’an dernier, est un roman étrange, à la fois convenu et original.

Après le succès planétaire de L’ombre du vent, l’auteur, qui serait maintenant scénariste à Hollywood, en reprend les ingrédients principaux: ambiance gothique, amours contrariées, rebondissements, jeux de miroir, passion pour les livres, le tout assaisonnée à la catalane.

Il ne faut pas s’y méprendre. Si Le jeu de l’ange est racontée du point de vue du narrateur, ce Daniel Martin écrivain, amoureux et enquêteur, le personnage principal demeure la Barcelone de l’entre-deux-guerres, ville mythique, démesurée, qui est évoquée avec une flamboyance gaudienne. Du Barn aux Jardins Güell, du Raval aux plages de la Bogatell et à la colline de Montjuic, le lecteur, plus particulièrement l’amoureux de Barcelone, se promène, plan virtuel ou souvenirs en tête, dans les dédales de la vieille ville portuaire.

Comme le genre l’exige, la ville n’est pas parée de ses atours les plus rieurs. Les feuilles sont mortes, les ruelles, glauques, les nuages, rouges, ocres, saturés des relents des usines. Les gens y traînent des existences sordides, marquées par la déveine et les inégalités sociales, lesquelles sont compensées par l’humour et la solidarité.

Dans cette Barcelone de carton-pâte, Zafon a bâti une intrigue tortueuse, abracadabrante, mais maîtrisée. Malgré son ampleur, on y retrouve la rigueur propre aux bons scénarios. L’intrigue repose néanmoins sur le surnaturel, ce qui, opposé au réalisme de l’ensemble, en accentue justement l’aspect baroque. Loin du réalisme magique de Garcia Marquez, on flirte ici avec le fantastique.

Le jeu de l’ange demeure une bon livre, ne serait-ce que par son décor.


«Le mort du chemin des Arsène» est finaliste au Prix des abonnés de la bibliothèque de Québec

17 juin 2010

Chaque année, le réseau des bibliothèques de Québec, qui regroupe vingt-cinq bibliothèques réparties dans les six arrondissements de la ville, décerne les «Prix des abonnés». Il s’agit de distinctions assorties de bourses, accordées selon le vote des lecteurs.

Le mort du chemin des Arsène est en lice cette année dans la catégorie Fiction, en compagnie de Le masque étrusque, de Louis Jolicœur, paru à L’instant même et de Aréna, 1, Panache de Sylvain Hotte, paru aux Intouchables.

Dans la catégorie Documentaire, les finalistes sont:

Destination LHJMQ – Dans les coulisses du hockey junior, Michel-André Roy, Flammarion Québec

Lieux de légendes et de mystère du Québec, Henri Dorion et Pierre Lahoud, Éditions de l’Homme

À table en Nouvelle-France, Yvon Desloges, Éditions du Septentrion

Dans la catégorie Jeunesse, les finalistes sont:

Mon papa ne pue pas, Andrée Poulin et Jean Morin, Éditions Isatis

Arthur et le yéti du lac Pichette, Johanne Mercier, Dominique et compagnie

Porthos et la menace aux yeux rouges, Denis Côté, Dominique et compagnie

Ces prix seront remis en octobre prochain.

Les abonnés peuvent aussi voter en ligne au www.bibliothequesdequebec.qc.ca jusqu’au 3 octobre.


Le voleur du Camp Nou

11 juin 2010

Avant-hier au Camp Nou à Barcelone, un jeune homme, discrètement, malgré deux gardiens de sécurité, a volé sous mes yeux quelques brins de la pelouse du stade de 98,000 sièges. Je crois sincèrement qu’il désirait les conserver, peut-être en faire une relique pour se protéger des aléas de l’existence.

La ferveur autour de la Barça, et de tout ce qui se rattache au futbol, atteint ici des proportions cosmiques. Je n’oserais écrire que le Canadien de Montréal, à comparer, ressemble à une équipe de province. 24 Coupes Stanley, ce n’est pas rien. Vu d’ici, le hockey est un sport régional, où l’excellence n’existe qu’en Amérique du Nord, en Scandinavie et en Europe de l’Est.

Début de la Coupe du Monde cet après-midi. Je ne sais pas si les Catalans sont vraiment derrière l’Espagne.


Barcelone, l’adolescente bigarrée

8 juin 2010

Le Saint-Laurent, avant de porter son nom chrétien, était Magtogoek, le «chemin qui marche».

À ce compte, la Rambla, ce grand boulevard ombragé qui draine le centre de Barcelone jusqu’à la statue de Colomb et, au-delà, à la mer, est un fleuve. Les gens, Barcelonais et touristes confondus, s’y laissent dériver, comme du bois de coupe, parfois sans autre but que d’être là, d’observer, d’admirer, de participer. Les indigènes ne paraissent pas moins désœuvrés que les visiteurs.

Barcelone, deuxième ville d’Espagne, est une métropole moderne et dynamique. Pourtant j’ai l’impression que personne n’y travaille beaucoup. Dans le centre, je cherche en vain ces cubes de verre dans lesquels de jeunes loups cravatés jonglent avec des deniers. Du haut du Montjuic, j’aperçois en périphérie des grues, des buildings, dont certains possèdent des formes inoubliables, dont ce phallus mauve familièrement surnommé «le Pénis». S’il se brasse des affaires, ce doit être là.

Barcelone est aussi un port, d’où rayonne des cargos, des bateaux de croisière. Sans être une station balnéaire, la ville possède de belles plages, à l’est de la Barceloneta. Y vit, carte de visite, l’héritage de Gaudi, de la Sagrada Familia au Parc Güell aux maisons qu’il a semées dans la ville, ces apologies du baroque et de la courbe. Les jeunes portent des tenues colorées, audacieuses. La ville veille jusqu’aux petites heures, se lève tard, un peu courbaturée. Le tissu social est une courtepointe, continentale, maghrébine, sud-américaine, asiatique, africaine. L’identité politique et la langue sont doubles, catalane et espagnole.

Pour toutes ces raisons, je m’éveille ce matin dans une ville adolescente, bigarrée, presque dénuée d’angoisse. Barcelone est une ville où on a simplement envie de vivre.