Thaïlande prise 3

22 février 2017

Je quitterai dans moins de 24 heures la Thaïlande. J’y suis d’abord venu, jeune voyageur en sabbatique, en 1983. J’y suis revenu en écriture avec La Marche du fou, en 2000. Je m’apprête à en repartir avec le cœur gros, ayant retrouvé ici ce qui m’avait tant plu il y 34 ans: un climat exceptionnel, de beaux paysages, mais surtout une société complexe, souriante et… bouddhiste.

La Thaïlande a pourtant changé sous l’effet d’un indéniable tourisme de masse. Le système politique est loin d’être idéal. Il y a de la pauvreté, de la corruption, de la pollution. Reste la tolérance et la gentillesse des Thais, aussi une certaine frange de voyageurs curieux et irréductibles avec laquelle, malgré les ans qui passent, je me sens toujours certaines affinités.

Ah oui! J’en ramène aussi 5000 ou 6000 mots, une bonne pêche.

2017-pakarang-beach

similan-fond


Retour sur la marche du Fou

11 février 2017

Je suis de retour à Bangkok. J’y ai mis les pieds, la dernière fois, en juillet 1983, au milieu d’un mini-tour du monde qui m’avait mené de Montréal à Montréal en passant par l’Australie, Singapour, la Malaisie, la Thaïlande, la Birmanie, le Népal et, brièvement, Mumbai.

J’y suis retourné par contre par la voie de la fiction, pendant la (longue) rédaction de La Marche du fou, entre 1984 et (surtout) 1998-1999. Une grande partie du roman se passait en Thaïlande, sur une Kho Samui transposée et à Bangkok.

Curieusement, aujourd’hui, alors que j’arpente la ville, j’ai des souvenirs plus vivaces de mon roman que de mon premier passage, comme si ma Thaïlande inventée était plus vivace que la réelle. Au fond, ne vit-on pas toujours dans une ou plusieurs fictions? Celles de nos perceptions plus ou moins fiables, de nos souvenirs transformés, de nos rêves perdus?


SPVM, CHUM et corruption

4 février 2017

(Texte intégral de la recension de Michel Bélair aujourd’hui 4 février 2017 dans Le Devoir)

Passer des Îles-de-la-Madeleine à la place Versailles et de la Sûreté du Québec (SQ) au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ne va pas de soi… Mais le lieutenant- détective André Surprenant, de l’escouade des crimes majeurs, y parvient plutôt bien.

 

On retrouve ici ce policier efficace et sans prétention — qui en est à sa cinquième enquête déjà — alors qu’il se penche sur un meurtre barbare commis dans une clinique annexe du CHUM. Détail important : nous sommes en 2009 et des rumeurs de corruption planent sur le chantier du superhôpital. Qui l’eût cru…

 

L’intrigue complexe tissée par Lemieux s’appuie en fait sur le climat paranoïde qui sévissait à l’automne 1970. Tout ne se dénouera bien sûr qu’à la toute fin du livre mais, en prime presque, l’enquête permettra de mettre en lumière des passages occultés et rappellera des façons de faire, disons, discutables employées durant la fameuse Crise d’octobre. Au fil de l’investigation, on aura tout au long l’impression de voir des couches de silence s’entasser les unes sur les autres.

 

La cellule Chénier

 

C’est que, pour mêler les pistes en alertant les « veilleurs » de la GRC et du SCRS, le meurtrier laisse sur les lieux du crime trois petits blocs de bois marqués des lettres F, L et Q. Voilà de quoi attirer l’attention et faire oublier ce qui se passe tout près de la scène de crime. Surtout quand la victime est un ancien agent infiltré dans la cellule Chénier, qui enleva le ministre Pierre Laporte, mort dans les circonstances nébuleuses que l’on sait…

 

Les choses ne s’arrangent pas lorsqu’un politicien retraité, ministre dans le gouvernement Trudeau de l’époque, est assassiné à son tour. Pire : son bureau est « nettoyé » et son jeune neveu disparaît lui aussi sans laisser de trace. Dans les journaux, on commence déjà à faire des liens entre les éléments du puzzle, mais Surprenant continue à suspecter qu’on veut l’attirer sur une fausse piste.

 

Encore une fois, Jean Lemieux manoeuvre de main de maître tout au long de cette histoire touffue, riche de vrais personnages. Son équipe d’enquêteurs du SPVM est particulièrement crédible et les relents de corruption — tout comme les allusions à peine voilées à certains politiciens — qui remontent de ce qu’ils découvrent en feront réfléchir plusieurs.

 

Surprenant, surtout, et ses proches deviennent de plus en plus complexes avec leurs failles à hauteur du quotidien ; personne ne joue au surhomme ici. Au contraire, plus les enquêtes du lieutenant-détective se multiplient, plus on s’éloigne des personnages unidimensionnels qu’on voit dans les séries télé. Tout cela bien ficelé dans une écriture vive, campée au coeur de la ville comme de la vie.

 

On ne peut qu’espérer que l’initiative un peu tordue de Surprenant, à la fin du livre, ne mettra pas fin trop rapidement à sa carrière…