La planète du businessman

21 septembre 2014

«La quatrième planète était celle du businessman. Cet homme était si occupé qu’il ne leva même pas la tête à l’arrivée du petit prince.»

Qu’aurait pensé Saint-Exupéry de la fermeture de cinq conservatoires de musique régionaux que mijote le gouvernement Couillard? Ou de la candide certitude de notre ministre de l’éducation, Yves Bolduc: «Les bibliothèques scolaires ne manquent pas de livres»?

Dans sa recherche forcenée du déficit zéro, ce gouvernement offre un spectacle navrant tant il privilégie le béton plutôt que la culture. On injecte des centaines de millions dans des entreprises fort douteuses, par exemple la cimenterie de Port-Daniel, pendant qu’on en grappille quelques-uns en fermant cinq conservatoires de musique. Chacune de ces institutions constitue, dans sa région, un pôle de création, même un moteur économique.

«Trois et deux font cinq. Cinq et sept douze.» Le businessman calcule-t-il les coûts sociaux, les talents perdus, les pertes associées à cette «déforestation» culturelle? Rien n’est moins sûr.

Personne ne doute qu’il soit important de lutter contre le déficit. Tout est dans la manière. La façon précipitée et passablement secrète dont le gouvernement Couillard affûte sa machette fait redouter une boucherie qui touchera particulièrement les artistes et les démunis. Qu’on tente d’étaler les hausses de salaire des médecins, cela se conçoit très bien. Qu’on ferme des pôles de culture régionaux au lieu de s’attaquer à l’évasion fiscale, au coulage de capitaux publics dans la construction, aux profits faramineux des compagnies, cela m’amène à me demander si le parti libéral a vraiment tiré des leçons de l’ère Charest.

Dans Le Petit Prince, le businessman croyait posséder les étoiles en les comptant. Certaines choses ne se comptent pas.

Heureusement.