Créateurs à vendre!

29 octobre 2014

Hier, j’ai fait parvenir à un syndic les copies de douze contrats qui me lient aux éditions de la courte échelle, en faillite depuis trois semaines. De La lune rouge jusqu’à L’homme du jeudi, en passant par les six « premiers romans » de la série FX Bellavance, onze histoires originales plus une réédition des trois premiers FX.

Ces feuilles de papier 8,5 par 14 représentaient autant d’aventures artistiques, de l’idée au projet au premier jet aux corrections à la production à la diffusion. Dans ces histoires, des personnages ont modestement pris vie dans l’imaginaire de milliers de lecteurs, de Jacques Robitaille, le jeune historien égaré en Thaïlande de La marche du fou, au sergent André Surprenant à Arnaud Savapa-Dubonnet, le chasseur de pistou du dernier FX. Salons du livre, entrevues, colloques, rencontres scolaires, ces histoires m’ont permis de voyager et de rencontrer des milliers de personnes. Les livres eux-mêmes circulent, par les bibliothèques, par la revente, par les prêts entre amis. D’autres – combien? – attendent dans un entrepôt, quelque part, qu’on s’intéresse à eux.

On m’a appris que ces onze histoires sont à vendre, au même titre que les textes et les dessins de centaines d’autres créateurs, et que je n’ai pas grand-chose à dire. La clause qui devait me protéger en cas de faillite est, semble-t-il, invalidée par une loi fédérale. Je fais partie d’un catalogue, lequel catalogue est à vendre, en tout ou en parties, avec l’ensemble des actifs de l’entreprise. Seule consolation, mes personnages m’appartiennent. D’autres – je pense à ma collègue Annie Groovy – sont moins chanceux : leurs créatures, qui sont aussi leurs marques de commerce, sont enfermées dans le catalogue.

L’édition, même subventionnée, comporte un risque financier. Les maisons d’édition assument ce risque, atténué s’ils constituent ce qu’on appelle des « personnes morales » qui peuvent se réfugier sous la loi de la faillite. L’auteur et l’illustrateur, pour leur part, donnent leur temps, leur âme, pour des retours de plus en plus dérisoires et, nous venons de l’apprendre, aléatoires. Dans une usine à fiction, l’artiste, qui fournit le substrat essentiel à la chaine de montage, est moins bien payé que tout autre employé.

Créateurs à vendre! Allons-nous être fourgués en bloc à un acheteur qui gardera l’un, rejettera l’autre, selon ses besoins et son bon vouloir? Allons-nous, les créanciers privilégiés remboursés, repartir avec nos livres sous le bras pour faire du porte à porte?

L’art n’échappe pas à la vie. Entre l’Ebola, le terrorisme religieux et la disparition des abeilles, la faillite de la courte échelle est un bien petit cataclysme, qui fournira peut-être, comme un feu de forêt, une occasion de reboiser. En attendant, sur leurs étagères, entre la livre de beurre et le sac de pois surgelés, les auteurs et les illustrateurs peuvent partager les souvenirs d’une belle aventure et rêver de l’acheteur charmant.


Bologne: une ville où je reviendrai

19 octobre 2014

J’ai écrit que Barcelone était une adolescente rebelle et bigarrée, Lisbonne, une belle dame plus très jeune, aux yeux mélancoliques et fardés. À ce compte, Bologne serait une belle fille dans la trentaine, savante et rieuse, dont on voudrait devenir le coloc… ou plus.

L’image de Bologne repose sur un trépied: la Dotta, la Rossa i la Grassa, la docte, la rouge et la grasse. La ville héberge, dans son quartier historique, la plus vieille université d’Europe, a un passé gauchiste et est renommée, à juste titre, pour la qualité de sa cuisine. Située en Émilie-Romagne, à mi-chemin entre Venise et Florence, la ville est pourtant entrée dans ma vie dans des habits peu flatteurs, le prosaïque baloney, adaptation américaine du fameux saucisson de Bologne. Pour vider la question, le baloney est à la mortadella ce que la Lada est à la Ferrari. Il a fallu Umberto Eco et quelques séjours italiens pour que je délaisse les charmes flamboyants de Venise, Rome et Florence et m’intéresse à cette ville sagement recluse dans la plaine du Pô, au pied des Apennins.

De taille moyenne, 350,000 habitants, Bologne est surtout remarquable par les innombrables arcades de son centre historique. Les maisons y sont revêtues d’une brique brune caractéristique, moins rouge que celle de Sienne, qui n’en a pas moins contribué à son surnom de Rossa. Le cœur de la ville est la Piazza maggiore, avec sa statue de Neptune et ses commerces réfugiés sous les arcades. À l’est de la place, dans des rues étroites, sortes de halles, des étals de fruits, de légumes, de jambons, d’énormes meules de fromage, de poisson, des bars branchés, une magnifique librairie ouverte jusqu’à minuit… Partout, beaucoup de jeunes, une sorte de tolérance bon enfant. Bologne, centre universitaire, administratif et industriel, n’est pas une ville pauvre, et n’est pas non plus assaillie, comme sa voisine Florence, par des hordes de touristes.

Si la cathédrale San Petronio ne soutient pas la comparaison avec ses cousines florentines et siennoises, il y a pourtant des choses à voir, plus discrètes, le groupe d’églises sur la magnifique piazza Santo Stefano, les deux tours croches qui sont la signatures de la ville. Mais il y a surtout une douceur de vivre qui m’a donné envie d’y retourner.


Le Surprenant IV cet hiver

4 octobre 2014

Dans cet aéroport en attente d’un départ vers Venise et Bologne, cette annonce succincte: le Surprenant IV, la quatrième enquête d’André Surprenant, prendra la mer en 2015, fort probablement avant la fonte des glaces.

Les détails de la mise à l’eau sont à venir.