J’ai écrit que Barcelone était une adolescente rebelle et bigarrée, Lisbonne, une belle dame plus très jeune, aux yeux mélancoliques et fardés. À ce compte, Bologne serait une belle fille dans la trentaine, savante et rieuse, dont on voudrait devenir le coloc… ou plus.
L’image de Bologne repose sur un trépied: la Dotta, la Rossa i la Grassa, la docte, la rouge et la grasse. La ville héberge, dans son quartier historique, la plus vieille université d’Europe, a un passé gauchiste et est renommée, à juste titre, pour la qualité de sa cuisine. Située en Émilie-Romagne, à mi-chemin entre Venise et Florence, la ville est pourtant entrée dans ma vie dans des habits peu flatteurs, le prosaïque baloney, adaptation américaine du fameux saucisson de Bologne. Pour vider la question, le baloney est à la mortadella ce que la Lada est à la Ferrari. Il a fallu Umberto Eco et quelques séjours italiens pour que je délaisse les charmes flamboyants de Venise, Rome et Florence et m’intéresse à cette ville sagement recluse dans la plaine du Pô, au pied des Apennins.
De taille moyenne, 350,000 habitants, Bologne est surtout remarquable par les innombrables arcades de son centre historique. Les maisons y sont revêtues d’une brique brune caractéristique, moins rouge que celle de Sienne, qui n’en a pas moins contribué à son surnom de Rossa. Le cœur de la ville est la Piazza maggiore, avec sa statue de Neptune et ses commerces réfugiés sous les arcades. À l’est de la place, dans des rues étroites, sortes de halles, des étals de fruits, de légumes, de jambons, d’énormes meules de fromage, de poisson, des bars branchés, une magnifique librairie ouverte jusqu’à minuit… Partout, beaucoup de jeunes, une sorte de tolérance bon enfant. Bologne, centre universitaire, administratif et industriel, n’est pas une ville pauvre, et n’est pas non plus assaillie, comme sa voisine Florence, par des hordes de touristes.
Si la cathédrale San Petronio ne soutient pas la comparaison avec ses cousines florentines et siennoises, il y a pourtant des choses à voir, plus discrètes, le groupe d’églises sur la magnifique piazza Santo Stefano, les deux tours croches qui sont la signatures de la ville. Mais il y a surtout une douceur de vivre qui m’a donné envie d’y retourner.