Écouter un match Barcelone-Madrid dans un bar en Espagne constitue une expérience.
Pour commencer, vous vous trouvez, Montérégien de souche, entouré d’Ibères de tous acabits, dont vous ne savez s’ils sont partisans de la capitale nationale ou de l’autre capitale nationale.
Heureusement, vous êtes habitué à avoir plusieurs capitales.
Le match commence et vous vous trouvez, pour toutes sortes de raisons, à soutenir les Catalans. Autour de vous, dans cette petite ville d’Andalousie, vous soupçonnez que vos voisins, ces messieurs sérieux qui boivent des verres de fine avec une patience telle que vous vous demandez s’ils ne contiennent pas de l’arsenic, penchent plutôt vers le clan madrilène. Par contre, les jeunes qui occupent les banquettes, et qui suivent le match du coin de l’œil en pitonnant sur leur iPhones, poussent des cris de joie quand Messi enfonce un penalty.
Les vieux messieurs, imperturbables, conviennent que le penalty était mérité.
Claro, statuent-ils.
Finalement, la mi-temps passe, le jeu se déroule et vous avez le sentiment que le Réal possède aussi une équipe formidable, à peine moins brillante que les Blaugranas, et ce d’autant plus qu’ils jouent à 10 contre 11. Et vous vous trouvez solidaires des vieux buveurs de fine: vous ne célébrez pas tant la victoire d’une équipe que celle du beau jeu.
Le football est un sport si sybillin, mais qui déchaîne tant de passions, qu’il n’existe guère d’autre alternative.
Penalty contre Barcelone. Ronaldo, le mal-aimé, compte. Vous ne célébrez pas, évidemment. Vous prenez une gorgée de bière et vous attendez la prochaine action, qui peut survenir dans trente secondes ou une demi-heure.
La partie se termine 1-1. Tout le monde est content: les Barcelonais mènent toujours au classement de la Liga, les Madrilènes ont remonté au score. Les vieux messieurs demeurent imperturbables. Sont-ils heureux? Fouillez-vous.
Le bar se vide.
Ça recommence dans quelques jours.