Rome – est-il besoin de le rappeler? – est la Ville Éternelle.
Qui plus est, tous les chemins y mènent.
Aussi je ne suis guère surpris de m’y retrouver pour la troisième ou la quatrième fois, je ne suis pas certain, cette fois, décalage décisif, après vingt-huit ans de négligence.
Est-ce la maturité, cette engeance si trompeuse? J’ai presque l’impression de la voir pour de vrai, pour la première fois. Ce qui me frappe, c’est le côté tortue. Rome vit sous une carapace épaisse, d’où elle se permet d’observer en dilettante le flot des envahisseurs.
Rome, capitale de l’empire romain, puis siège des papes, puis capitale de la république italienne, a toujours envahi. Elle prétend toujours, d’une certaine façon, au titre de «Capitus Mundi». Pourtant, Rome a toujours été envahie. Par différentes hordes de barbares, à partir du Ve siècle, Vandales, Wisigoths et tutti quanti, puis par différents peuples, dont les Français pas plus tard qu’au XIXe, les Allemands et les Alliés au XXe.
Rome a toujours survécu miraculeusement, intégrant dans sa toile les reliefs de ces divers avatars, si bien qu’aujourd’hui la ville est une courtepointe d’éléments qui s’étalent sur vingt-cinq siècles.
Rome est aussi, beauté oblige, une des villes les plus visitées sur la planète. Curieusement, cela se passe assez bien. Les Romains, peuple marchand et éminemment pratique, ont depuis longtemps compris qu’ils ont besoin de la manne de ces bénins et nécessaires Wisigoths, qui ne menacent en rien la survie de leur carapace millénaire.