J’ai lu Le mur des silences, le quatrième tome de la série Konrad d’Arnaldur Indridason. Ce n’était pas mon premier de ce maître islandais, loin de là. Peut-être le cinquième ou le sixième, je ne les compte pas. Tout auteur est d’abord un lecteur, le dernier nourrissant le premier. Aussi je ne lis pas un polar sans m’intéresser, c’est inné, au style et à la manière.
Le charme et la popularité du polar scandinave tiennent évidemment à la singularité des paysages, des intrigues et des personnages. Je soupçonne qu’ils relèvent aussi de particularités de la langue, en particulier cet usage omniprésent du tutoiement, des prénoms, aussi de ce que j’appellerai la brusquerie du dialogue.
Ainsi chez Indridason, les personnages ne portent l’écrasante majorité du temps qu’un simple prénom. Ils ne sont pas décrits physiquement, sauf de façon sommaire, par un détail qui sera repris ou exploité dans l’action. Par exemple, Luther est boiteux, mais recevra aussi quelques coups de pieds sur sa jambe malade.
Konrad, le policier à la retraite en vedette dans la série, est assez monolithique, fumeur, buveur, un peu coureur, mais surtout obstiné. Son appartement semble plutôt sordide. Ses relations avec ses proches sont presque toujours conflictuelles. Au total, c’est un Wallander encore plus renfrogné. L’écriture est chorale, à la troisième personne, portée par ces squelettes imprécis synthétisés dans des prénoms. Les chapitres sont courts, égaux. L’intrigue dans le cas présent est double ou triple, les différentes branches se rejoignant, dans le style chalet central de station de ski, dans une résolution tardive.
Les relations entre les personnages ou leur passé font parfois l’objet de développements, toujours dans un style direct et synthétique. Pas d’images, pas de métaphores, des faits, des dialogues, de l’action.
Entre les scènes, Konrad boit un café ou une bière, fume un cigarillo, rêve peu, ne s’évade pas comme Bosch dans une pièce de jazz, comme Brunetti dans un livre ancien. On passe d’une scène d’action à une autre scène d’action, sans entre-deux, comme dans les films de bandit qu’évoquait Sylvain Lelièvre. Des rappels escortent le lecteur dans le passé proche et lointain.
Ainsi l’on est inexorablement entraîné d’une page à l’autre, sans jamais ou presque avoir l’impression de perdre son temps. Dans mon souvenir, ses premiers romans comme La Cité des jarres ou La Femme en vert étaient plus «fleuris». Je me trompe peut-être.
Tous ces facteurs font qu’Indridason connaît un succès si retentissant. Ses romans sont tout simplement efficaces, en plus de dégager un charme sobre, solide.
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Publié par jeanlemieux