Le fichier-maître et le clan Surprenant

27 février 2025

Le dernier Surprenant paru en octobre dernier, L’Affaire des Montants, était le huitième. J’élabore actuellement l’intrigue du neuvième. Pour ce faire, je mets à jour un fichier-maître, sorte de tableau de bord sur lequel j’inscris l’essentiel des données relatives aux multiples personnages de la série et aussi de mes autres romans.

Ce fichier Word compte plus de 130 entrées. Nom, prénom, date de naissance, attributs caractéristiques, traits physiques, occupation, rôle dans les différents romans sont compilés de façon succincte de façon à me démêler et surtout à éviter les invraisemblances, la trame des différents Surprenant respectant une chronologie greffée sur des faits socio-politiques réels.

Ainsi, avant de m’atteler au prochain livre, dont l’action devrait se situer à Montréal quelque part en 2015, je dois remettre à jour mon disque dur mental, relire par exemple Nos meilleurs amis sont les morts, pour me remettre en mémoire les derniers événements dans le clan Surprenant.

Parce qu’il faut bien employer le mot clan. Dès On finit toujours par payer, j’ai utilisé la double intrigue: d’un côté l’enquête policière ponctuelle, avec des références au passé; de l’autre la famille du personnage central, André Surprenant, sa conjointe, son ex, ses beaux-parents, ses trois enfants, dont une fille issue d’un amour d’un soir, les conjoints de ces derniers, un petit-fils, sans compter sa famille d’Iberville, ses parents, ses oncles, son frère. La saga s’étalant désormais sur plus de seize ans, ça fait du monde, beaucoup de monde, qui suffirait à eux seuls à meubler une télésérie.

Pour mémoire, voici l’essentiel du clan Surprenant en décembre 2014, dernier moment évoqué dans L’Affaire des Montants.

Habitent avenue de L’Épée à Outremont dans la maison héritée de l’oncle architecte Roger Surprenant:

  • André Surprenant, 53 ans, sergent-détective au SPVM
  • Geneviève Savoie, 43 ans, enquêtrice à la SQ
  • William Leduc, 20 ans, fils d’une première union de Geneviève
  • Olivier Leduc, 18 ans, fils d’une première union de Geneviève
  • (de façon intermittente) Émilie Normandeau-Nguyen, 20 ans, blonde plus ou moins steady de William

Enfants Surprenant (vivent à Montréal ou autour):

  • Maude Surprenant, 29 ans, professeur de lettres, vit avec son chum Julien Massicotte et leur fils de 5 ans, Paul.
  • Félix Surprenant, 28 ans, fricoteux dans l’informatique et la comptabilité, dont la blonde Sabrina «Bouba» Stottlemyre, consultante en événementiel, revient d’un break sabbatique en Asie.
  • Laurie Leblanc, 26 ans, policière au SPVM, et sa blonde Inge Feuerbach, dont le champ d’activité est à déterminer.

Clan Chiodini:

  • Maria Chiodini, 51 ans, première conjointe de Surprenant et mère de ses deux premiers enfants, vit en Toscane.
  • Giannina Chiodini, née Bosselli, 81 ans, mère de Maria, vit rue Dante avec
  • Guiseppe Chiodini, 82 ans, père de Maria.
  • les jumeaux Marco et Mario Chiodini, 49 ans, entrepreneurs en construction.

Famille Surprenant (Iberville)

  • Nicole Goyette, 79 ans, mère de Surprenant, lutte contre un cancer du rein grade IV.
  • Maurice Surprenant, 77 ans, père prodigue de Surprenant, ancien livreur de bière, ex-roadie psychédélique recyclé dans l’autofiction.
  • Jacques Surprenant, 51 ans, frère cadet de Surprenant, livreur de poulet Cocorico Express.
  • Marcel Surprenant, 81 ans, oncle de Surprenant, vieux garçon vivant dans un chalet près de la rivière-à-Barbottes.

Satellites

  • Louise Lachapelle, 69 ans, mère de Geneviève, problèmes cognitifs, vit à Laval.

Je compte donc, sans entrer dans l’équipe des crimes majeurs du SPVM, 22 personnages. Comment les évoquer, leur donner vie sans qu’ils prennent trop de place dans un polar centré sur l’action? Essentiellement en oscultant la majorité pour donner des rôles mineurs dans l’intrigue à certains d’entre eux.

Maintenant, qu’est-il survenu, pendant ces quelques mois, au sein de l’escouade de Surprenant?


Détective Surprenant – Après la diffusion sur TVA

14 février 2025

Il y a deux jours, le 12 février, était diffusé sur TVA le sixiéme et dernier épisode de la télésérie Détective Surprenant – La fille aux yeux de pierre. Elle avait d’abord été disponible sur Club Illico à partir de décembre 2023.

En quelques mots, c’est un franc succès d’auditoire, dépassant les attentes du diffuseur. La série a attiré 858 000 spectateurs. Si l’on additionne ceux qui l’ont vue sur Club Illico, on dépasse le million. Les commentaires sont très positifs. Produite par Version 10, écrite par Marie-Ève Bourassa et Maureen Martineau à partir du premier polar mettant en scène André Surprenant, On finit toujours par payer (Québec Amérique), réalisée par Yannick Savard, jouée par une superbe distribution mettant en vedette Patrick Hivon et Catherine Brunet dans les rôles de Surprenant et de Geneviève Savoie, la série de six épisodes diffusée par le groupe Vidéotron a fait sa marque dans une offre télévisuelle extrêmement riche.

Comme auteur, je vis les résultats: André Surprenant, mon personnage récurrent, s’est incarné sous les traits de Patrick Hivon dans l’imaginaire québécois.

Et maintenant? J’entends inlassablement votre question: à quand une deuxième saison? Suite aux bouleversements des habitudes de consommation numérique et au siphonnage des revenus publicitaires par les GAFAM de ce monde, il est devenu difficile de produire au Québec.

Mais contrairement à ce qu’ont prétendu certains, le projet d’une deuxième saison est toujours vivant. Et Surprenant n’a pas dit son dernier mot.


Ian Rankin, le maître écossais

9 février 2025

Je fréquente les polars d’Ian Rankin depuis plus de deux décennies. J’y trouve certainement des intrigues complexes et un rendu vivant de l’Écosse contemporaine. J’y trouve aussi un art littéraire consommé, un ton et des personnages inimitables.

J’ai terminé cette nuit, dans ma période d’insomnie habituelle, devant le feu, Midnight and blue, vingt-cinquième roman mettant en vedette l’inspecteur John Rebus, personnage mythique qui a même fait l’objet d’interventions au parlement écossais. En lisant les maîtres internationaux du polar, mon intérêt et mon plaisir sont doubles: le lecteur lit, le romancier analyse et dissèque.

Midnight and blue est un roman singulier parce qu’une grande partie de l’action s’y déroule en milieu carcéral. John Rebus, inspecteur à la retraite allant sur ses soixante-dix ans, se trouve en effet emprisonné pour un crime que je ne divulgâcherai pas. Jamais je n’oserais camper une longue intrigue en prison: je n’en connais que les clichés. Ian Rankin est allé sur le terrain et rend compte d’une façon crédible de la réalité de l’existence des prisonniers et des gardiens dans une geôle regroupant des criminels de haut niveau. Rivalités occultes en relation avec le crime extérieur, ambivalences, menaces entre gardiens et prisonniers, attaques sauvages, tout y est. Au milieu de tout ça, John Rebus, sous la protection d’un caïd inquiétant, arrive à naviguer malgré son passé de policier.

Rebus lui-même rassemble à peu près tous les attributs classiques du policier maudit: divorcé, fumeur, buveur, rebelle, grognon, indiscipliné, intuitif et vulnérable sous une carapace de dur.

Le livre s’ouvre sur un meurtre en prison, puis déborde sur la disparition d’une adolescente dans la communauté. Cette partie de l’enquête est centrée sur l’héritière symbolique de Rebus, Siobhan Clarke, enquêtrice célibataire d’un âge indéfini. Un deuxième meurtre survient dans la communauté, celui d’un ex-footballeur aux mauvaises fréquentations, puis les intrigues s’entrecroisent jusqu’à une résolution habile et logique.

Tout au long, un peu à la manière de Michael Connelly, les infinies complexités des rouages des enquêtes policières modernes sont étalées de façon vivante, par les interactions entre les différents enquêteurs oeuvrant à la fois sur le meurtre en prison et les événements survenant dans la communauté. C’est du policier procédural de premier ordre.

Au niveau du style, Rankin se signale par un art remarquable du dialogue. Ils sont vifs, intelligents, insidieux et rendent parfaitement compte des intérêts et des particularités des personnages, policiers, mafieux ou civils. Le tout est enrobé dans un emprunt au slang écossais, aussi dans un recours tout à fait britanno-irlando-écossais à l’understatement ironique. Les personnages, même s’ils sont récurrents, sont très peu décrits physiquement. Ils se contentent d’agir et d’interagir, de rendre compte d’une société à la fois sophistiquée et brutale. Rankin, sûrement amateur de rock des années 1970-1980, ne se gêne pas pour prêter à Rebus et à d’autres personnages un amour pour cette musique.

Ian Rankin aspirait, semble-t-il, à devenir un professeur de littérature ou un auteur «sérieux». Pour notre grand plaisir, il s’est laissé aspirer par son inspecteur fétiche, John Rebus, l’ours imbibé de scotch et de nicotine.