Hemingway et Pampelune

8 octobre 2024

Dans ce périple basque, j’ai voulu voir Pampelune. Ou plutôt revoir ou revisité une Pampelune que j’ai connue à l’adolescence quand j’ai lu Le soleil se lève aussi d’Ernest Hemingway, traduction française de The sun also rises.

Hemingway, grand écrivain et homme imbuvable, a déjà fait l’objet de deux articles sur ce blog, écrits en 2013. Il fait partie de ma vie, au même titre que d’autres écrivains aimés, Garcia Marquez, Fitzgerald, Anne Hébert, Durrell, Annie Ernaux et autres. Il m’a certainement marqué par la qualité de ses premières œuvres, les short stories et les deux premiers romans, où il a développé son célèbre art nouveau, cette écriture concive, minimaliste, directe qui allait tant influencer les écrivains américains et autres du vingtième siècle. Il a mis en pratique sa théorie de l’iceberg. Le texte n’est que le 10% émergé de l’œuvre. Le lecteur doit sentir les 90% restants.

Hemingway a sûrement mal vieilli. Aujourd’hui, sa vie personnelle le disqualifierait aux yeux d’un large public. Moins par son œuvre que par son aura d’écrivain maudit hollywoodien, il n’en demeure pas moins une figure symbolique incontournable, une sorte de marque utilisée par divers commerces, par des villes, pour s’auréoler d’un parfum de glamour.

Ainsi, Pampelune est presque aussi Hemingway que Prague est Kafka. Il y a une allée Hemingway près de la Plaza de Toros, un bar Hemingway à côté du Café Iruna, des photos en noir et blanc dans les bars, des magasins de souvenirs ornés de son visage barbu, etc. Bien sûr, Hemingway y a campé la deuxième partie de son premier roman. Bien sûr, Hemingway, au fil des ans, l’a revisitée quand aficionado il assistait à des corridas ou écrivait les articles qui allaient devenir Death in the afternoon.

Il y a plus. Dans une ville où l’événement fétiche est la course de taureaux dans les rues (la San Firmin), commentée chaque année ou presque dans les médias internationaux, Hemingway demeure un argument de vente facile, d’autant plus disponible que sa renommée s’est figée pour l’éternité par son dernier coup d’éclat, une balle dans la tête, en 1961.

Pourtant, l’homme Hemingway était un être fragile, quasi pathétique dans son apologie du danger et du courage. Le soleil se lève aussi raconte l’histoire d’amour impossible entre un vétéran qui a perdu ses couilles à la guerre et une aventurière instable. Le tout avait une saveur symbolique. Ernest Hemingway, l’écrivain nobélisé, a eu au total une vie personnelle catastrophique.

Pampelune, une jolie ville de grosseur moyenne, capitale historique de la Navarre, n’a peut-être pas besoin de s’accrocher à son souvenir. Quant au grand écrivain sonné par l’alcool et les commotions cérébrales, ses oeuvres restent et certaines résisteront encore longtemps à l’érosion du temps.