Les entre-deux

Entre juillet et février derniers, j’ai écrit le premier jet d’un roman de 70 000 mots. Les écrivains, moi en tous cas, tiennent parfois compte de leurs progrès de façon ordonnée, voire obsessive. Il s’agissait d’une moyenne d’environ 350 mots par jour. C’est peu et c’est beaucoup. Certains écrivent tous les jours. Ce n’est pas mon cas. Il y a des jours de vacances, de déplacements, d’obligations, de rencontres amicales ou familiales. Il y a aussi les jours de sécheresse, où l’on n’écrit pas une ligne, où l’on cherche le vent, où l’on trace des schémas dans des cahiers de notes. En ce qui concerne les polars, ces moments de vide peuvent être angoissants: la structure du récit, la mécanique des événements, sont complexes et cruciaux. Comme je ne fais pas de réel plan de livre, ces jours de mer étale, où je me trouve déventé, me font souvent craindre la vraie panne, le livre commencé puis laissé en plan.

Le premier jet part chez l’éditeur. Soulagement, allégresse, mais aussi doute. Est-ce que c’est bon? Une ou deux semaines de flottement, puis le livre revient avec les commentaires. Deuxième version. Pour le livre à paraître, j’ai supprimé 10 000 mots pour en écrire 15 000 nouveaux, à un rythme soutenu. La troisième version entraîne habituellement des changements moins exhaustifs.

Quand le livre part pour la révision linguistique, le travail n’est pas terminé mais presque. Commence l’entre-deux ou la germination du prochain livre. Souvent il s’agit de la reprise d’un manuscrit déjà commencé, d’une histoire informe qui recèle néanmoins son lot de personnages, de situations, d’images, qui germent dans un incubateur inconscient, sorte de serre printanière où l’on part ses plants.

Je suis alors «en vacances», delivré de la tâche d’arracher du néant, jour après jour, deux ou trois pages de texte. Ce repos dure de moins en moins longtemps. J’ai ressorti les cahiers de notes. J’ai imprimé les quarante ou cinquante pages écrites l’an dernier, les ai relues, méditées, appréciées, détestées.

Quand le prochain Surprenant sortira en octobre, je serai si tout va bien au beau milieu de la rédaction du prochain roman. Le livre qui paraît, qui prend vie dans l’esprit du lecteur ou plus souvent de la lectrice, appartient au passé. L’homme qui signe, derrière le comptoir, est déjà ailleurs.

One Response to Les entre-deux

  1. Avatar de Olivier Marcoux Olivier Marcoux dit :

    tres heureux d apprendre qu il y aura un autre roman avec l enquêteur Surprenant. Merci pour cette suite d intrigues policieres passionnantes.

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