Les écrivains entretiennent avec leurs livres des relations variables. Certains en parlent avec détachement, presque avec haine, comme de fardeaux dont ils doivent se séparer au plus vite pour aller au devant de nouvelles créations. D’autres couvent leurs rejetons d’un amour exclusif, quasi fusionnel, chaque livre étant devenu un jalon incontournable de leur existence.
Entre ces deux attitudes opposées, tous les cas de figure sont possibles. Dans mon cas, mes productions dépassant à peine la douzaine, je peux encore les considérer comme les rejetons d’une famille nombreuse, mais pas encore démesurée.
Je suis plutôt sévère avec mes rejetons, leur trouvant souvent plus de défauts que de qualités. Je fais aujourd’hui une exception. Dans cette trâlée, j’avoue avoir un chouchou : Le trésor de Brion.
Ce n’est pas que je n’aime pas les autres, mais ce roman d’aventures, écrit rapidement, sans prétention, en 1994, occupe une place particulière dans mon cœur.
Il s’adressait à l’origine à un public adolescent. Le héros, Guillaume Cormier, 17 ans, vit une expérience initiatique, une double chasse au trésor et à l’amour, aux Îles-de-la-Madeleine. Pour l’écrire, je me suis inspiré de mes lectures de jeunesse, de Tintin à Stevenson, mais aussi d’autres classiques de marine, le merveilleux Moonfleet de John Meade Falkner, les romans de Loti et de Conrad, l’histoire et les légendes madeliniennes, sans compter divers ouvrages sur les flibustiers.
Cette aventure, contemporaine mais plongeant, comme il se doit, ses racines aussi loin que le dix-huitième siècle, me remet toujours en contact avec mes premières émotions de lecteur. Pour paraphraser un passage de La lune rouge, je pourrais écrire que, en littérature comme en amour, rien ne remplace l’insouciance. Ce roman d’aventures, écrit pour me divertir, avec une âme de quatorze ans, est peut-être ce que j’ai produit de meilleur.